Mamady Kouyaté, connu sous le nom de scène "Kountoko", était une figure emblématique du cinéma et de l'humour guinéen. Né en 1972 dans le village de Dalama Nafadji à Kouroussa, cet ancien tailleur devenu comédien a marqué la culture guinéenne par son talent comique exceptionnel et son regard acéré sur la société. À travers des films cultes comme "Ben Sodia", "Bonsodia" et "Fén Ko Balla", Kountoko a su captiver le public guinéen et faire rayonner la culture de son pays au-delà des frontières nationales.
Homme généreux et humble, apprécié tant pour son professionnalisme que pour sa bienveillance, il a lutté pendant plusieurs années contre une maladie pulmonaire avant de s'éteindre le 10 juin 2022 à l'âge de 50 ans, laissant derrière lui une veuve, cinq enfants et un héritage artistique considérable qui continue d'influencer la scène culturelle guinéenne.
Introduction
Dans le paysage culturel guinéen, certaines figures marquent profondément leur époque par leur talent et leur authenticité. Mamady Kouyaté, plus connu sous son nom de scène « Kountoko », fut indéniablement de celles-là. Comédien de génie, humoriste talentueux et acteur emblématique, il a su conquérir le cœur de plusieurs générations de Guinéens avec son humour décapant et sa capacité unique à dépeindre les réalités sociales de son pays.
Enfance modeste à Dalama Nafadji
Né en 1972 dans le village de Dalama Nafadji, situé dans la préfecture de Kouroussa en Haute-Guinée, Mamady Kouyaté a grandi dans un environnement simple mais chaleureux. Dès son plus jeune âge, il manifeste un talent indéniable pour la comédie, amusant sa famille et ses proches avec des sketches improvisés et des pitreries qui ne manquaient jamais de faire rire son entourage.
Malgré les difficultés économiques que connaissait sa famille, ses parents ont su percevoir ce don particulier et l'ont encouragé à développer sa passion. Cette bienveillance familiale constituera un socle solide pour la construction de sa future carrière artistique.
Des débuts modestes dans l'art
Avant de devenir l'icône du cinéma guinéen que l'on connaît, Mamady Kouyaté exerçait le métier de tailleur et pratiquait la broderie. C'est à la fin des années 1990 qu'il fait véritablement son entrée sur la scène artistique nationale, d'abord par de petites apparitions dans des productions locales.
Son oncle, Amara Douno (également connu sous le nom de Billy Sodia), lui-même comédien, joue un rôle prépondérant dans son parcours artistique. C'est notamment grâce à lui que Kountoko débute véritablement dans le monde du cinéma en 2008, en participant à ses premières productions cinématographiques.
Ascension fulgurante d'une étoile du cinéma guinéen
Le talent indéniable de Kountoko ne tarde pas à être remarqué par le public guinéen. Ses sketches hilarants et ses performances scéniques lui permettent rapidement de se forger une réputation solide dans le paysage culturel du pays. Son style unique, mêlant humour grinçant et observations pertinentes sur la société guinéenne, trouve un écho particulier auprès d'un public en quête de divertissement mais aussi de réflexion.
C'est cependant avec des films comme « Ben Sodia », « Bonsodia » et « Fén Ko Balla » que Kountoko accède véritablement à la notoriété nationale. Son interprétation du personnage « Sèkhouna » dans « Fon nà Sèkhè », aux côtés de Moussa Koffoé, reste particulièrement mémorable dans l'esprit des spectateurs. Ces productions cinématographiques propulsent Kountoko au rang d'acteur incontournable du cinéma guinéen et contribuent à façonner l'identité culturelle du pays.
Sa popularité dépasse bientôt les frontières nationales, faisant de lui un véritable ambassadeur de la culture guinéenne à l'international.
Comédien au talent pluriel
L'une des grandes forces de Kountoko résidait dans sa polyvalence artistique. À la fois acteur, humoriste et comédien, il excellait dans chacun de ces domaines avec une aisance naturelle qui forçait l'admiration. Son jeu d'acteur authentique et son sens inné de la comédie lui permettaient d'incarner des personnages marquants qui restaient gravés dans la mémoire des spectateurs.
Au-delà de son talent comique, Kountoko possédait une qualité rare : celle de savoir observer finement les travers de la société guinéenne pour les restituer avec justesse et humour dans ses créations. Cette capacité à transformer les réalités sociales, parfois difficiles, en moments de divertissement constitue sans doute l'un des aspects les plus précieux de son héritage artistique.
Collaborations artistiques fécondes
La carrière de Kountoko a été marquée par de nombreuses collaborations avec des artistes de renom. On peut notamment citer ses partenariats avec Bangaly Bengazy, Grand Kendeka, ou encore Tidiane Chérif (connu sous le nom de Banankoro Saria), qui ont donné naissance à des créations mémorables.
Ces échanges artistiques ont non seulement enrichi son répertoire mais lui ont également permis d'explorer différentes facettes de son talent. Apprécié pour son humilité et son professionnalisme, Kountoko entretenait d'excellentes relations avec ses pairs, comme en témoignent les nombreux hommages rendus à sa personne après son décès.
Combat contre la maladie
Malheureusement, les dernières années de la vie de Kountoko ont été assombries par de graves problèmes de santé. Atteint d'une maladie pulmonaire qui l'a progressivement éloigné de la scène et des plateaux de tournage, l'artiste a lutté pendant près de six ans contre ce mal qui le rongeait.
En mai 2022, affaibli par la maladie et ne pouvant plus exercer son métier, Kountoko lance un appel à l'aide désespéré : « J'invite toutes les personnes, d'ici et d'ailleurs, à m'aider pour combattre cette maladie qui m'a immobilisé. Tous ceux qui peuvent m'aider sont sollicités. Je souffre énormément, aidez-moi !! Je n'arrive plus à exercer mon activité qui me permettait de pouvoir me nourrir et nourrir ma famille. »
Cet appel trouve un écho auprès de l'homme d'affaires guinéen Antonio Souaré, qui prend en charge ses frais médicaux. Malheureusement, malgré les soins prodigués, l'état de santé de l'artiste continue de se dégrader. Le 10 juin 2022, Mamady Kouyaté s'éteint dans une clinique de Gbessia à Conakry, plongeant le monde culturel guinéen dans un profond chagrin.
Obsèques révélatrices d'une reconnaissance populaire
Le 14 juin 2022, Kountoko est inhumé dans son village natal de Dalama Nafadji. Ses funérailles rassemblent une foule immense venue de tous les horizons pour rendre un dernier hommage à cet artiste qui a tant donné à son pays. Autorités locales, collègues artistes, fans et admirateurs : tous sont présents pour accompagner Kountoko dans son dernier voyage.
Cette mobilisation exceptionnelle témoigne de l'impact profond que l'artiste a eu sur la société guinéenne. Comme le souligne une admiratrice présente aux obsèques : « Kountoko est celui qui a marqué mon enfance à travers ses prestations drôles dans ses films. Je suis à la fois triste et émerveillée. Kountoko sera toujours dans le cœur des Guinéens. »
Héritage artistique indélébile
Kountoko laisse derrière lui une veuve, affectueusement surnommée « Jolie », et cinq enfants, tous des garçons. Mais son legs va bien au-delà de sa descendance biologique. Avec plus d'une trentaine de pièces théâtrales à son actif, il a considérablement enrichi le patrimoine culturel guinéen.
Son épouse témoigne avec émotion : « Quand je rencontrais Kountoko, j'étais la femme la plus heureuse du monde. De son vivant, il a tout fait pour moi. Je n'ai jamais eu faim, je n'ai jamais manqué d'habits ni de traitement adéquat. Il était tout pour moi. »
Ses collègues artistes, comme Aboubacar Camara alias Grand devise, président de la Fédération nationale des comédiens, soulignent unanimement son professionnalisme et sa bienveillance : « Nous les comédiens perdons aujourd'hui en Mamady un grand baobab. Mamady ne gardait pas rancune, Mamady était disponible pour tout le monde quelle que soit la langue que vous parlez dans un film. »
Leçon pour la culture guinéenne
Le décès de Kountoko a également soulevé d'importantes questions sur la condition des artistes en Guinée. Le ministre de la Culture de l'époque, Alpha Soumah « Bill de Sam », a reconnu les lacunes du système : « Les artistes devraient avoir un bon traitement quand ils sont malades, avant que ça ne s'aggrave, qu'ils puissent eux-mêmes se prendre en charge. »
Cette prise de conscience a amorcé une réflexion sur le statut des artistes et des acteurs culturels en Guinée, avec l'espoir que les futures générations d'artistes puissent bénéficier d'une meilleure protection sociale.
Conclusion
Mamady Kouyaté « Kountoko » demeure une figure incontournable de la culture guinéenne, un artiste complet qui a su capturer l'essence de son peuple à travers son art. Son humour, sa générosité et son talent inné pour la comédie ont fait de lui l'un des comédiens les plus appréciés de sa génération.
Parti trop tôt à l'âge de 50 ans, il laisse derrière lui un vide immense dans le paysage culturel guinéen. Cependant, son héritage artistique continue de vivre à travers ses films et sketches qui font encore aujourd'hui la joie des spectateurs guinéens.
Comme l'a si bien résumé l'un de ses admirateurs : « Kountoko s'en va, mais ses œuvres vont continuer à émerveiller les Guinéens. » Un hommage simple mais profond à celui qui a consacré sa vie à apporter du rire et de la joie dans le quotidien de ses compatriotes.
En définitive, Mamady Kouyaté « Kountoko » n'était pas seulement un artiste talentueux, il était aussi un observateur perspicace de la société guinéenne, un homme généreux et humble, et un ambassadeur culturel qui a su porter haut les couleurs de son pays. Son nom restera à jamais gravé dans l'histoire du cinéma guinéen et dans le cœur de tous ceux qui ont eu la chance de découvrir son œuvre.
